Nous avons eu la chance de rencontrer Charles Gorintin, cofondateur d’Alan et de Mistral AI, ainsi que le philosophe Raphaël Enthoven avant leur conférence organisée mercredi 18 septembre au Cinéville par la CPME Vendée. Entre opportunités économiques et questionnements éthiques, les deux intervenants ont livré leur vision d’une technologie, l’intelligence artificielle, qui transforme déjà notre quotidien.
Charles Gorintin était mercredi 18 septembre au Cinéville de La Roche-sur-Yon pour une conférence organisée par la CPME Vendée. Le cofondateur et directeur technique d’Alan, et cofondateur non opérationnel de Mistral AI, était accompagné du philosophe Raphaël Enthoven. Devant une salle remplie de dirigeants de TPE et PME, les deux hommes ont débattu des enjeux de l’intelligence artificielle.
Pour Gorintin, l’IA représente avant tout « une opportunité d’augmenter la productivité de manière assez exceptionnelle« . Cette productivité peut être réinvestie de quatre manières : en réduisant les coûts, en augmentant la quantité ou la qualité du travail, ou en permettant de travailler moins. « Cette technologie nous permet de créer plus de richesse. Ensuite, c’est à nous de décider comment nous redistribuons cette richesse« , explique-t-il.
‘Il faut qu’on se l’approprie’

L’entrepreneur insiste sur l’accessibilité de cette technologie. « Aujourd’hui, pour accéder à une IA, il y a des outils gratuits ou qui coûtent à peu près 20 euros par mois pour quelqu’un qui est payé 2000 euros par mois, ça fait 1% du salaire. Et on peut espérer gagner plus de 10% en termes de productivité.«
Mais au-delà des aspects économiques, Gorintin voit dans l’IA un enjeu de souveraineté. « Ma perception c’est que ce combat est en train d’être gagné petit à petit, mais qu’il faut continuer à avoir beaucoup de pédagogie pour montrer aux gens que l’IA est utile et au contraire peut nous rendre plus humain. Il faut qu’on se l’approprie.«
C’est d’ailleurs cette conviction qui l’a poussé, avec son associé Jean-Charles Samuelian, à créer Mistral AI en 2022. « Le seul fournisseur de grands modèles de langage était OpenAI, une entreprise américaine. Il manquait un acteur européen« , raconte-t-il.
‘L’humanité reste une énigme’
Face à lui, Raphaël Enthoven adopte une posture plus philosophique. Pour le professeur de philosophie, « l’humanité reste une énigme » que l’IA ne peut résoudre. « Ce qui fait l’humanité n’est pas une quantité de données. Ce qui fait l’humanité des humains n’est pas un stock, n’est pas une capacité, n’est pas un degré de complexité. C’est autre chose, que la machine ne comprend pas.«
Enthoven ne voit pas l’IA comme une menace, mais insiste sur ce qui restera toujours humain. « Un professeur de philo vous donne les moyens de vous interroger davantage, mais il est comptable des questions qu’il suscite et non pas des réponses qu’il apporte. C’est en cela qu’il y a là une offre de service qui ne peut pas être prise en main par la machine.«
‘On n’explique pas l’amour’
Le philosophe illustre son propos avec des exemples concrets. « Imaginez que votre conjoint vous demande pour quelle raison vous l’aimez. Quelle que soit la réponse que vous donnez, votre sentiment paraît soluble dans la raison que vous lui avez trouvée. Pourquoi ? Parce qu’on n’explique pas l’amour.«
Cette simplicité des sentiments humains échappe selon lui à l’intelligence artificielle. « L’amour est une évidence élémentaire. C’est peut-être ça qui échappe à l’IA. La simplicité d’un sentiment plutôt que sa complexité.«
Malgré leurs approches différentes, les deux intervenants s’accordent sur un point : l’importance de la formation et de la pédagogie. « Il faut qu’il y ait de plus en plus de personnes qui apprennent à utiliser ces outils« , conclut Gorintin, tandis qu’Enthoven insiste sur l’engagement citoyen nécessaire face aux transformations technologiques.
La soirée s’est achevée sur des questions du public, témoignant de l’intérêt croissant des chefs d’entreprises locaux pour cette technologie qui redessine déjà les contours du monde du travail.
Site officiel de la CPME Vendée.
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