Supraconducteur

Une équipe coréenne vient de réaliser une prouesse scientifique : créer un matériau supraconducteur capable de conduire le courant électrique sans résistance ni perte d’énergie à la température de 15°C.

Qu’est-ce que la supraconductivité ?

Certains matériaux manifestent un phénomène physique appelé supraconductivité lorsqu’on les refroidit en dessous d’une certaine température critique. À cette température, ces matériaux perdent toute résistance électrique et deviennent de parfaits conducteurs. Ils peuvent donc transporter le courant électrique sans dissipation d’énergie, ce qui représente un avantage considérable pour de nombreuses applications.

De plus, les matériaux supraconducteurs expulsent le champ magnétique de leur intérieur, ce qui crée un effet de lévitation magnétique. Cet effet permet de faire flotter des objets métalliques au-dessus d’un aimant ou d’un supraconducteur, sans contact ni frottement.

Le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes a découvert la supraconductivité en 1911, en observant ce phénomène dans du mercure refroidi à -269°C, proche du zéro absolu (-273°C). Depuis, de nombreux autres matériaux ont été identifiés comme supraconducteurs, mais la plupart nécessitent des températures très basses, inférieures à -240°C, pour entrer dans cet état.

Pourquoi chercher des supraconducteurs à température ambiante ?

L’un des grands défis de la physique est de trouver des matériaux qui deviennent supraconducteurs à des températures plus élevées, voire à température ambiante. En effet, les techniques de refroidissement nécessaires pour atteindre les basses températures requises par les supraconducteurs actuels sont coûteuses et complexes. Elles limitent donc les applications pratiques de la supraconductivité à des domaines spécifiques, comme l’imagerie médicale par résonance magnétique (IRM), les accélérateurs de particules ou les aimants puissants.

Si l’on pouvait disposer de supraconducteurs à haute température, c’est-à-dire supérieure à -240°C, voire à température ambiante, on pourrait envisager des applications beaucoup plus variées et révolutionnaires, comme le transport de l’électricité sans perte, les trains à sustentation magnétique, le stockage d’énergie ou l’informatique quantique.

Depuis les années 1980, les chercheurs ont réalisé des progrès dans la découverte de matériaux qui présentent une supraconductivité à des températures plus élevées que les supraconducteurs conventionnels. On appelle ces matériaux “supraconducteurs non conventionnels” ou “supraconducteurs exotiques”, car la théorie classique de la supraconductivité, dite théorie BCS (car proposée en 1957 par John Bardeen, Leon Neil Cooper et John Robert Schrieffer), ne les explique pas. Parmi ces matériaux, on trouve notamment les cuprates, des composés à base de cuivre et d’oxygène, qui ont une température critique supérieure à -135°C.

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Comment créer un supraconducteur à température ambiante ?

L’un des paramètres qui influence la température critique d’un matériau est la pression. En effet, en comprimant un matériau, on modifie sa structure atomique et ses propriétés électroniques. Certains matériaux peuvent ainsi devenir supraconducteurs sous l’effet d’une forte pression.

C’est le cas de l’hydrogène, l’élément le plus simple et le plus abondant de l’univers. Sous une pression extrême, l’hydrogène devient métallique et présente une supraconductivité à des températures relativement élevées. En lui ajoutant d’autres éléments, comme du soufre ou du carbone, on peut augmenter encore sa température critique.

C’est ce qu’ont réussi à faire des chercheurs coréens, qui ont annoncé sur ArXiv avoir créé un supraconducteur à température ambiante (127° C). Leur matériau est une structure plomb-apatite modifiée (LK-99).

Encore de nombreuses questions

La découverte d’un supraconducteur à température ambiante est une avancée majeure pour la physique et la technologie. Elle ouvre la voie à de nouvelles recherches sur les mécanismes de la supraconductivité et sur les possibilités d’optimiser les propriétés des matériaux.

Toutefois, il faut souligner que le supraconducteur obtenu par les chercheurs coréens n’est pas encore utilisable à grande échelle, car il nécessite une pression très élevée, qui est difficile à maintenir et à contrôler. Il faudrait donc trouver un moyen de stabiliser le matériau à pression ambiante, ou de réduire la pression nécessaire pour obtenir la supraconductivité.

Enfin, il faudrait tester les performances du matériau en termes de courant critique, c’est-à-dire le courant maximal qu’il peut transporter sans perdre sa supraconductivité, et de champ critique, c’est-à-dire le champ magnétique maximal qu’il peut supporter sans être détruit. Ces paramètres sont essentiels pour déterminer les applications possibles du matériau.

Un pas vers une révolution énergétique ?

Malgré ces défis, la découverte d’un supraconducteur à température ambiante est porteuse d’espoir pour l’avenir. Elle montre que la supraconductivité n’est pas limitée aux basses températures, et qu’il existe peut-être des matériaux capables de conduire le courant sans perte ni chauffage à des conditions plus proches de notre environnement quotidien.

Si ces matériaux étaient trouvés et maîtrisés, ils pourraient révolutionner le domaine de l’énergie, en permettant de réduire les pertes dans les réseaux électriques, d’augmenter l’efficacité des énergies renouvelables, de stocker l’électricité sans limite ou de développer des modes de transport plus rapides et moins polluants. Ils pourraient aussi ouvrir la voie à des avancées scientifiques et technologiques inédites, comme la fusion nucléaire contrôlée, l’informatique quantique ou la nanotechnologie.

Attention, il est urgent d’attendre la reproductibilité de l’expérience par des laboratoires extérieurs afin de la valider scientifiquement. De plus, l’étude n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique, donc relue par des pairs qui valident également le processus. Après ces étapes passées, nous pourrons enfin fêter cet évènement pour ce qu’il est. Les auteurs de cette découverte sont potentiellement de futurs prix Nobels.

La supraconductivité à température ambiante est un des Graals de la physique. Est-elle enfin à portée de main ou est-ce encore une ambition lointaine ? Les prochains mois risquent d’être passionnants dans ce domaine.

Source : ArXiv.

Illustration en Une : généré par Bing Image Creator.


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