L'entreprise IA de l'année

Une vingtaine de décideurs du secteur IA se réunissent pour évaluer et financer des startups. Le modèle s’appuie sur le mentorat, l’accompagnement juridique et un accès aux réseaux. Question centrale : cette concentration de ressources suffit-elle pour accélérer vraiment les jeunes entreprises ?

Mille startups IA cherchent des portes d’accès

Le contexte impose les chiffres. Mille startups positionnées sur l’IA en France contre cinq cents il y a quatre ans. Les levées de fonds se multiplient, l’AI Act européen force la conformité. Mais peu de ces entreprises parviennent réellement à passer à l’échelle. Le problème récurrent : accéder aux décideurs capables de déployer ou de financer sans attendre des années.

Les candidatures se sont ouverts le 25 septembre et se termineront le 15 novembre 2025. Neuf catégories structurent la compétition : finance et assurance, santé, sécurité, environnement, data marketing, retail, médias, éducation et IA for Good. Ces segments couvrent les secteurs où l’IA crée des applications concrètes, non des solutions en quête de problème.

La cérémonie se tiendra le 24 novembre 2025 à Paris. Le format privilégie l’intimité sur la masse : plutôt qu’un salon de centaines d’entreprises, un espace restreint où lauréates et juges échangent directement. C’est un choix délibéré contre le modèle classique du pitch massif.

Qui juge et avec quel intérêt

Le jury compte dix-neuf personnes. Lucas Fialaire, Gen AI et VC chez Amazon Web Services, le préside. Sont présents : Matthieu Lavergne (Serena Capital), Julia Barry (Microsoft), David Sebaoun (IBM), Hervé Claverie (Open). Ces représentants de géants technologiques et VCs majeurs apportent un accès au financement et à l’écosystème cloud.

Antoine Genot de Pernod Ricard et Thomas Zavrosa d’Agence Dékuple représentent les entreprises établies. Noé Robert (360 Capital Partners), Thomas Terdjman (Tekton Ventures) et Patrick Malka (Newfund) incarnent les investisseurs. Eleonore Zahlen (Cabinet Bold) apporte l’expertise juridique, Laura Sibony (HEC Paris, Sciences Po) l’angle académique.

Complètent : Joanna Gruau Buldón (Station F), Bruno Ennochi (Club Édouard 7), Pascal Teurquetil (CCI Paris Île-de-France), Jonathan Lumbroso (iytro), Paul-Arthur Jonville (Mindflow), Thomas Solignac (kayro.ai) et Emmanuel Atlan (Sandton Capital Partners). Cette composition mélange investisseurs, acteurs d’infrastructure, experts légaux et entrepreneurs.

Ce que les lauréates reçoivent concrètement

Premier levier : le mentorat d’un an porté par un membre du jury. Les startups choisies échangent régulièrement avec un juge engagé à titre personnel. L’efficacité réelle dépend de l’implication effective et du fait que le mentor dispose de temps dédié.

Deuxième levier : l’accompagnement juridique du Cabinet Bold. Avec l’AI Act, la conformité devient obligatoire mais complexe. Les startups IA doivent classifier leurs systèmes, documenter les données utilisées, gérer les questions de responsabilité. Avoir accès à un cabinet spécialisé élimine une barrière administrative réelle, même si la charge finit par retomber sur les équipes startup.

Troisième : un label « Élu Entreprise IA de l’Année 2025 » attribué aux lauréats. Son poids dépendra de sa reconnaissance ultérieure auprès des clients et partenaires potentiels.

Tous les lauréats présentent devant le jury et l’écosystème réuni. Cela crée une exposition directe auprès d’investisseurs, de responsables d’achat chez les grands groupes et d’experts du secteur. Cette visibilité concentrée en une journée ne remplace pas un effort commercial de plusieurs mois, mais elle accélère les premières rencontres.

La question des vraies différences

Ce prix se positionne comme « premier de ce type en France ». Concrètement, cela signifie qu’aucun équivalent majeur n’existait. Les concours et prix d’innovation traditionnels existent depuis longtemps. Celui-ci se distingue par trois choix : une audience restreinte d’acteurs décisionnels plutôt que massive, un mentorat associé au jury plutôt qu’un simple label, et une répartition en catégories sectorielles.

Reste une incertitude structurelle. Ce modèle fonctionne si chaque juge reste engagé après la cérémonie. Si le mentorat devient un simple email mensuel, si les rencontres commerciales n’aboutissent nulle part, si le label s’oublie rapidement : le prix redevient une usine à pitch classique. L’impact réel se mesurera dans deux ou trois ans, pas en novembre 2025.

Autre point : cette mécanique bénéficie d’abord aux startups qui savent déjà pitcher devant des investisseurs. Les jeunes entreprises moins expérimentées en levée de fonds peuvent rester invisibles malgré leur technologie solide, simplement parce qu’elles n’ont pas présenté correctement leur cas. Le jury qualité compense partiellement ce biais, mais ne l’élimine pas.

Un besoin français réel, une réponse à tester

L’écosystème IA français produit des innovations. Le passage à l’échelle reste l’étape critique. Les startups françaises concourent avec des acteurs américains ayant accès à des VCs massifs, à des marchés plus larges et à des déploiements cloud automatisés. Un prix qui regroupe les meilleures ressources françaises en un même réseau offre au moins une égalité théorique.

BFM Business soutient l’initiative médiatiquement. Les candidatures ont attiré des participants. Mais aucune donnée n’existe encore sur le succès réel : combien de lauréates ont levé des fonds supplémentaires six mois après ? Combien ont signé des contrats commerciaux majeurs ? Combien le mentorat a-t-il retenu dans la compétition internationale ?

Ce première édition teste une hypothèse : rassembler les décideurs français de l’IA autour de startups sélectionnées crée un effet réseau suffisant pour accélérer leur croissance. Les prochains mois le diront.

Les startups intéressées peuvent dès à présent s’inscrire (date limite 15 novembre 2025) à l’adresse : https://www.lentrepriseiadelannee.com/


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